
Travaux dangereux et recours aux CDD ou intérimaires : obligations, risques et bonnes pratiques pour les employeurs
.
Le recours à des contrats à durée déterminée (CDD) ou à l’intérim est une pratique courante, notamment pour faire face à des besoins temporaires de main-d’œuvre. Toutefois, la loi encadre strictement l’affectation de ces salariés à certains postes, en particulier lorsqu’ils présentent des risques élevés pour la santé et la sécurité. Ignorer ces règles peut conduire à des conséquences juridiques et financières lourdes pour l’entreprise.
.
1. Une interdiction ciblée par le Code du travail
Les articles L. 1251-10, 2° et L. 4154-1 du Code du travail interdisent d’affecter un salarié en CDD ou un intérimaire à des travaux particulièrement dangereux, tels que définis par la liste réglementaire de l’article D. 4154-1 :
« Il est interdit d’employer des salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée et des salariés temporaires pour l’exécution des travaux les exposant aux agents chimiques dangereux ou aux rayonnements ionisants »
Cette liste, qui comprend 27 catégories de travaux, vise les activités exposant à des risques graves et spécifiques, comme :
-
-
- l’amiante (opérations de retrait, confinement, maintenance sur matériaux amiantés) ;
- les poussières de métaux durs (cobalt, carbure de tungstène…) ;
- certaines expositions aux rayonnements ionisants ;
- des opérations de traitement chimique ou biologique particulièrement nocives (désinsectisation des bois, traitement de grains stockés…).
La finalité de cette interdiction est claire : protéger les salariés potentiellement moins expérimentés ou moins formés aux mesures de sécurité propres à ces postes.
-
.
2. Une jurisprudence stricte : l’arrêt du 9 juillet 2025 de la Cour de cassation
Dans son arrêt du 9 juillet 2025 (n°24-16.142), la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel, en cas de litige, c’est à l’employeur de prouver que les travaux confiés ne relèvent pas de la liste des travaux interdits.
En l’espèce, un intérimaire travaillant sur une machine à rubans affirmait avoir été exposé à des poussières de métaux durs, figurant au 22° de la liste de l’article D. 4154-1.
L’entreprise faisait valoir que la machine produisait moins de poussières qu’une meuleuse, mais elle n’a pas produit d’attestation technique excluant toute émanation. La Cour a donc confirmé la requalification du contrat de mission en CDI et jugé la rupture comme un licenciement nul.
Ce raisonnement s’appuie sur l’article 1353 du Code civil, qui impose à celui qui veut se libérer d’une obligation d’en apporter la preuve. L’absence de preuve complète et fiable a suffi à condamner l’entreprise.
.
3. Dérogations : un régime exceptionnel et encadré
Le recours à des CDD ou intérimaires sur des travaux particulièrement dangereux reste possible dans des cas exceptionnels, notamment :
-
- lorsque les travaux sont réalisés à l’intérieur d’appareils hermétiquement clos en fonctionnement normal, empêchant toute exposition ;
- ou sur autorisation expresse de la DREETS.
Dans ce dernier cas, la procédure est stricte :
1. Consultation du Comité social et économique (CSE) ;
2. Avis du médecin du travail ;
3. Envoi d’un dossier motivé à la DREETS.
L’administration dispose d’un mois pour répondre, après enquête de l’Inspection du travail et avis du médecin inspecteur. L’autorisation peut être retirée si les conditions de sécurité ne sont plus respectées.
.
4. Sanctions encourues en cas de non-respect
Le non-respect de ces interdictions expose l’employeur à plusieurs types de sanctions :
-
-
- Requalification du contrat en CDI (article L. 1245-1 et L. 1251-40 du Code du travail) ;
- Nullité du licenciement si la rupture intervient après requalification, avec obligation de réintégration ou versement d’indemnités conséquentes (rappel de salaires, indemnités compensatrices, dommages et intérêts) ;
- Sanctions pénales : l’infraction peut constituer un délit puni d’une amende (jusqu’à 3 750 € pour une personne physique) ;
- Responsabilité civile en cas d’accident ou maladie professionnelle, pouvant entraîner un coût élevé (indemnisation complémentaire, faute inexcusable)
- Sanctions administratives : retrait des autorisations et interdiction temporaire de recourir à des intérimaires sur certains postes.
Ces sanctions sont cumulatives et peuvent sérieusement affecter la situation financière et l’image de l’entreprise.
-
.
5. Ne pas confondre avec les postes à risques particuliers
Les travaux particulièrement dangereux (interdits sauf dérogation) ne doivent pas être confondus avec les postes présentant des risques particuliers définis par l’employeur. Ces derniers peuvent être confiés à des CDD ou intérimaires, à condition qu’ils bénéficient :
-
- d’une formation renforcée à la sécurité ;
- d’un accueil spécifique et d’une information adaptée.
.
Conclusion : vigilance et anticipation, les clés de la conformité
La réglementation sur les travaux particulièrement dangereux applicables aux CDD et intérimaires repose sur un principe clair : la prévention prime sur la sanction. Les employeurs doivent donc identifier précisément les postes concernés, conserver les preuves techniques de l’absence d’exposition et, le cas échéant, engager les démarches nécessaires pour obtenir une dérogation.
L’arrêt du 9 juillet 2025 montre que la Cour de cassation applique cette règle de manière stricte et que l’absence de preuve peut suffire à condamner l’entreprise.
Le respect de ces obligations ne protège pas seulement la santé des travailleurs temporaires : il préserve aussi la sécurité juridique et financière de l’entreprise.
Le cabinet TWO WAY accompagne les employeurs dans l’analyse de leurs postes, et la mise en conformité de leurs pratiques RH afin d’éviter tout risque de contentieux.